La traite atlantique

Repères

3^e : le rang du port du Havre dans les ports français ayant organisé des opérations de commerce esclavagiste à la veille de la Révolution, derrière les ports de Nantes et La Rochelle, et quasi équivalent à Bordeaux. Le port de Honfleur occupe le 5^e rang.

2^e : les trois villes - Le Havre, Honfleur, Rouen - forment le 2^e espace de commerce esclavagiste après la Basse-Loire.

Plus de 500 : le nombre d’expéditions pour les deux ports du Havre et Honfleur dans un même complexe commercial portuaire connecté à la finance de Rouen.

Chronologie

1548 : premier contrat signé avec la trace de personnes havraises plaçant de l’argent dans le commerce triangulaire où le terme de « nègre » est employé.

1642 : premier édit légalisant la traite sous Louis XIII.

Août 1664 : fondation par Colbert de deux sociétés commerciales d’État ou compagnies spécialisées dans le commerce avec les colonies - la Compagnie des Indes orientales et la Compagnie des Indes occidentales.

1673 - 1674 : installation de la Compagnie du Sénégal au Havre.

1716 - 1717 : autorisation royale permettant aux principaux ports français, dont Rouen, de « faire librement la traite des nègres » sans recours aux compagnies. En 1721, cette autorisation est étendue au Havre.

1763 : développement du commerce au lendemain de la guerre de Sept ans (1756 - 1763) qui voit la France perdre le Canada, se recentrer sur Saint-Domingue.

Été 1791 : début de la Révolution de Saint-Domingue.

4 février 1794 : première abolition de l’esclavage.

Mai 1802 : Napoléon rétablit l’esclavage.

1815 : interdiction de la traite atlantique.

27 avril 1848 : décret Schoelcher - abolition définitive de l’esclavage en France.

1862 : dernier scandale autour d’un navire havrais de commerce esclavagiste (« Le Dom Juan ») pratiquant la traite illégale.

Trois questions à Éric Saunier

Commissaire scientifique de l’exposition régionale, maître de conférences en Histoire moderne à l’Université Le Havre Normandie

QU’EST-CE QUE LA TRAITE ATLANTIQUE ?

La traite atlantique a débuté après la découverte de l’Amérique et s’est vraiment organisée pour la France à partir du milieu du XVII^e siècle avec la légalisation de la traite en 1642 et la mise en place, 20 ans plus tard par Colbert, de grandes sociétés d’État pour le commerce négrier. Après la mort de Louis XIV, l’État a « libéré le commerce des Antilles », permettant des associations de fonds privés pour organiser des expéditions maritimes. Des rois africains, dans un continent alors en plein bouleversement, achètent des armes en échange d’esclaves pour aller travailler sur des plantations aux Antilles, pour la production de sucre et d’autres produits pour les Européens. C’est la première mondialisation commerciale, avec ces échanges sur trois continents, et une organisation très moderne du commerce par les armateurs. Les ports les mieux placés pour ce commerce sont ceux qui sont proches de l’Atlantique, qui ont un arrière-pays riche pour fournir des marchandises et disposent de marins connaissant la route des Indes occidentales. Les ports normands cochent toutes ces cases.

POURQUOI CE PAN DE L’HISTOIRE NORMANDE PARAÎT-IL TOUJOURS MÉCONNU ?

Pour plusieurs raisons. Les bombardements du Havre en 1944 ont fait disparaître les traces de cette histoire. De plus, les ports du littoral normand ne sont pas toujours associés à l’Atlantique. L’idée que l’on se fait d’un port négrier est avant tout celle d’un grand port. Or les villes normandes sont relativement peu peuplées (Le Havre comptait 20 000 habitants quand Bordeaux en comptait 100 000 et Nantes plus de 60 000). Cela ne vient donc pas à l’esprit. Enfin, dans cette méconnaissance joue le fait que le milieu négrier était très français en Normandie, contrairement aux autres grands ports comme Nantes où un tiers des armateurs étaient étrangers.

QUELLES SONT LES PISTES DE RECHERCHE POUR MIEUX CONNAÎTRE CETTE HISTOIRE DE LA TRAITE ATLANTIQUE EN NORMANDIE ?

Il y a beaucoup de sujets autour desquels travailler. Par exemple sur la connaissance de la population de couleur présente dans ces villes portuaires. Entre l’interdiction de la traite en 1815 et l’abolition de l’esclavage en 1848, il y a des pans entiers qui restent à investir. Ou encore du côté de l’histoire culturelle, la question des échanges, des transferts, des œuvres en lien avec cette histoire est à étudier.